“Exit Tax” Français : L’impôt à payer au moment du départ de France

Depuis l'adoption de la loi de finance rectificative pour 2011, le 28 décembre 2011, les Responsables Mobilité Internationale doivent prêter attention aux nouvelles dispositions de l'article 167 bis.
Cet article définit ce que l'on peut appeler un "Exit Tax", c'est à dire un impôt dû par les contribuables qui ont quitté la France à compter du 3 mars 2011.

Les enjeux pour les Responsables Mobilité Internationale sont:
 
– Identifier les personnes concernées alors qu'ils n'ont pas d'information sur leurs revenus personnels.
– Déterminer si les salariés concernés bénéficient d'un sursis d'imposition, et si non déterminer la position de leur société quant à la constitution de la garantie ou le paiement de l'imposition au moment du départ
– Déterminer s'ils ont besoin d'assistance fiscale pour déclarer leur situation auprès de l'administration au moment du départ et pour effectuer leur déclaration annuelle des plus-values latentes
 
Pour vous permettre d'appréhender ces enjeux et d'être en mesure d'y répondre, nous reprenons ci-après les éléments essentiels de ce nouveau mécanismes de l'Exit tax, et des questions qu'il soulève:
 
Selon l'article 167 bis I. du Code Général des Impôts (CGI) :
 
"Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables lors de ce transfert au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnés au présent 1 qu'ils détiennent, directement ou indirectement, à la date du transfert hors de France de leur domicile fiscal lorsque les membres de leur foyer fiscal détiennent une ou plusieurs participations, directes ou indirectes, d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d'une société, à l'exception des sociétés visées au 1° bis A de l'article 208, ou une ou plusieurs participations, directes ou indirectes, dans ces mêmes sociétés dont la valeur, définie selon les conditions prévues au 2 du présent I, excède 1,3 million d'euros lors de ce transfert…."
 
Nous avons donc dans ce début d'article le principe et les conditions de base :
 
En quoi consiste l'Exit tax?
 
Il s'agit d'un impôt sur les plus-values latentes, soit, sur une plus-value potentielle qui n'a pas encore été concrétisée. La plus-value latente est en effet, celle de l'investisseur qui détient encore ses titres et ne les a pas vendus. La plus-value latente est calculée à un moment donné, ainsi, si vous avez acquis 10 titres à 24 euros, et que le cours des titres est de 27 euros la veille du départ, vous avez une plus-value latente de 30 euros à la veille du départ.
 
Jusqu'ici la plus-value latente n'était pas imposée, car le fait générateur de l'impôt sur la plus-value est la cession des valeurs, or le principe de l'Exit tax est d'imposer la plus-value non encore réalisée, telle qu'elle peut être calculée au jour précédent le départ.
 
L'objet de ce nouveau mécanisme d'imposition provisionnelle est de lutter contre les abus constatés par l'administration et consistant pour certains investisseurs à quitter la France pour aller réaliser leurs plus-values à l'étranger, dans des pays prévoyant un régime fiscal plus favorable, voire une exonération d'impôt sur les plus-values mobilières.
 
En effet, en application du droit interne français, les contribuables ne sont pas imposables sur les plus-values mobilières réalisées (cession des titres et valeurs) lorsque la cession des titres intervient alors qu'ils n'ont plus la qualité de résident fiscal de France.
Dès lors, en cédant leurs titres alors qu'ils s'étaient établis hors de France, les investisseurs évitaient que leur gain ne soit soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux en France. 
 
D'autres pays, comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni ont également mis en place des régimes similaires à celui de l'Exit tax afin de lutter contre ces abus.
 
Quelles sont les conditions de l'assujettissement à l'Exit tax?
 
– Il faut avoir été résident fiscal Français pendant au moins 6 années au cours des dix années précédent le transfert de domicile fiscal
– Il faut détenir (soi-même, ou le foyer fiscal) soit des participations directes ou indirectes d'au moins 1% dans les bénéfices sociaux d'une société, soit, des participations directes ou indirecte dont la valeur excède 1,3 million d'euros.
 
Ce principe et ces conditions amènent plusieurs commentaires :
 
La mise en place de ce mécanisme est difficile à appréhender pour les contribuables qui se poseront la question de savoir ce qu'il arrivera s'ils réalisent au moment de la cession de leurs titres une plus-value inférieure à celle estimée à la veille du départ, voire une moins-value. Il aurait alors payé par avance un impôt qui ne sera pas dû et qu'il devra alors récupérer auprès de l'administration.
 
Plusieurs remarques ensuite quant aux conditions d'assujettissement. Le contribuable répondant aux conditions de résidence antérieure sont assujettis s'ils détiennent des participations directes ou indirectes de 1% des bénéfices d'une société ou si la valeur totale de leurs participations est supérieure à 1,3 million d'euros.

Les questions sont les suivantes: faut-il tenir compte des participations dans toutes les sociétés ? qu'entend on par "détention" ? comment évaluer la plus-value latente ?

Faut-il tenir compte des participations dans toutes les sociétés ?
 
Selon l'article 167 bis, sont concernées toutes les participations dans les bénéfices sociaux d'une société, à l'exception des sociétés visées au 1° bis A de l'article 208 du CGI, soit les SICAV.
 
Dans la première version du texte proposée en juillet 2011, seules les sociétés soumises à l'Impôt sur les sociétés étaient visées. Cette précision a cependant rapidement été supprimée par le législateur et la version actuelle du texte recouvre donc toutes les sociétés autres que les SICAV, y compris les sociétés civiles immobilières (SCI).
 
Or, la nature immobilière de ces sociétés a déjà pour effet que les plus-values s'y rapportant restent imposables en France même lorsque le bénéficiaire cède ces titres en qualité de non-résident fiscal. Pour ces contribuables, il n'y a donc aucune chance d'éluder l'impôt sur les revenus en quittant la France. Le seul avantage qu'ils trouvent à ne plus être résidents fiscaux de France au jour de la cession serait éventuellement le non assujettissement aux prélèvements sociaux. Rappelons que la question de l'assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux a été tranchée au cours de longs débats antérieurs sur lesquels nous ne revenons pas ici.
 
On peut donc s'interroger sur la volonté réelle du législateur d'intégrer les participations dans les bénéfices sociaux des SCI pour la détermination de l'assujettissement à l'Exit tax. En effet, le seuil de participation de 1% visé au 167 bis revient à soumettre à l'Exit tax tout contribuable ayant constitué une SCI.
 
La DLF interrogée oralement en janvier dernier sur ce point promet des clarifications et la publication prochaine d'un projet d'instruction qui devrait couvrir cette question.
Il faudra donc attendre l'instruction de l'administration qui doit préciser ce point et clarifier le type de participations concernées.
 
Qu'entend on par "détention" ?
 
L'article 167 bis du CGI vise "les droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnés au présent 1 qu'ils détiennent, directement ou indirectement". Il serait donc possible d'exclure les droits sociaux, valeurs, titres ou droits non encore définitivement acquis.
Les actions gratuites ne devront être intégrées que si la période d'acquisition prévue par le plan d'attribution est terminée.
Concernant les stock-options, elles ne devraient être intégrées que si elles ont été levées, c'est à dire, si les actions sous-jacentes sont acquises au bénéficiaire.
 
Le problème se pose alors de savoir comment déterminer la plus-value latente relative à ces deux mécanismes d'actionnariat salarié?
 
Comment évaluer la plus-value latente ?
 
Selon l'article 167 bis 2. "La plus-value constatée dans les conditions du 1 du présent I est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux ou valeurs mobilières lors du transfert du domicile fiscal hors de France, déterminée selon les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis, et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation."
Pour ce qui est des titres, droits, ou valeurs ayant un prix d'acquisition. La plus-value latente sera déterminée par différence entre la valeur lors du transfert de domicile fiscal et le prix d'acquisition. L'administration prendra t elle en compte la valeur au jour de l'acquisition ou le prix effectivement payé par le contribuable?
 
Pour ce qui est des titres, droits ou valeurs ayant été acquis gratuitement par le contribuable, le texte prévoit une valorisation par référence aux règles applicables en matière de droits de mutation. Dans ce cas donc, la valorisation à retenir serait la valeur des titres, droits ou valeurs au jour du transfert de domicile fiscal, sans déduction d'aucune valeur d'acquisition.
 
En ce qui concerne les stock-options et les actions gratuites, il y a donc confusion entre les plus-values d'acquisition et les plus-values de cession réalisées par les contribuables.
 
En premier lieu pour les stock-options, si un contribuable a acquis dans le cadre d'un plan conforme aux dispositions du Code de commerce français, des actions valorisées à 150 en exerçant ses stock-options au prix fixé de 100, il réalise une plus-value d'acquisition de 50, constituant un avantage concédé par son employeur, soit un revenu rattaché à la catégorie des traitements et salaires, et ce, même si le régime fiscal qui lui est appliqué ensuite peut-être celui des plus-values mobilières (débat pour les options attribuées avant le 20 juin 2007).
 
S'il quitte la France un an plus tard alors qu'il n'a pas encore la disponibilité des actions sous-jacentes et qu'il est soumis à l'Exit tax, l'administration prendra en compte la valeur des actions lors du transfert de domicile, soit 180, et le prix acquitté par le contribuable, soit 100. La plus-value latente serait donc de 80 et non de 30 (180 – 150) et ce, alors même que les 50 représentant le gain d'acquisition sont imposables au titre des plus-values d'acquisition de stock-options pour lesquelles les non-résidents sont aujourd'hui directement soumis à retenue à la source lors de la cession des actions, par leur employeur.
 
En second lieu pour les actions gratuites, la situation du contribuable est encore plus critique puisque s'étant vu octroyé des actions gratuites définitivement acquises 2 ans après, alors que leur valeur étaient de 150, il est imposable sur une plus-value d'acquisition de 150, rattachée à la catégorie des traitements et salaires. S'il quitte la France un an après alors qu'il n' a pas la disponibilité des actions, il pourrait être soumis à l'Exit tax sur une plus-value latente estimée à 180 et ce, alors même que 150 correspond à la plus-value d'acquisition.
 
Le régime ainsi défini semble d'autant plus injuste pour les contribuables que le législateur exclut expressément la déduction des moins-values latentes sur les plus-values latentes.
 
Ici encore, il faudra attendre les clarifications de l'administration concernant la valorisation des plus-values latentes sur stock-options et actions gratuites.
 
Modalités de paiement de l'impôt :
 
Le taux d'imposition applicable est celui de l'article 200 A en vigueur lors du transfert de domicile. Soit aujourd'hui, 19% plus CSG/CRDS de 13,5% (bientôt à 15,5%).

Les possibilités de sursis de paiement :
 
L'administration propose un sursis de paiement dans certaines conditions, ce qui permet au contribuable de décaler le paiement mais qui ne l'exonère pas d'une obligation de déclaration. Le premier cas de sursis au paiement est le suivant :
 
– Lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/ UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, il est sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values constatées dans les conditions prévues au I du présent article ou aux plus-values imposables en application du II.
 
– Si le contribuable transfère son domicile dans un Etat autre que ceux prévus dans le paragraphe précèdent en premier lieu ou après avoir transféré son domicile fiscal dans un Etat prévu au premier paragraphe, le contribuable peut demander un sursis au paiement dans les conditions suivantes :
 
– il doit déclarer le montant des plus-values constatées dans les conditions du I ou imposables en application du II,
– désigner un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et
– constituer auprès du comptable public compétent, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.
 
Il est précisé que dans le cas où son transfert est dû à des raisons professionnelles (par exemple une mobilité salariale) le contribuable n'aura pas à constituer de garantie.
 
Nous avons donc 3 cas :
– Un transfert dans un Etat membre de l'Union Européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (hors Liechtenstein): Dans ce cas possibilité de bénéficier d'un sursis de paiement
– Un transfert dans un autre Etat que ceux prévu au paragraphe précédent : Dans ce cas possibilité de sursis de paiement uniquement si le contribuable déclare ses plus-values, désigne un représentant fiscal et constitue une garantie
– Un transfert dans un autre Etat que ceux prévu au premier paragraphe sans désignation de représentant ou constitution de garantie : Dans ce cas paiement immédiat de l'impôt sur les plus-values latentes
Lorsqu'il y a sursis de paiement, le contribuable est autorisé à ne pas acquitter l'impôt sur les plus-values latentes aussi longtemps que l'un des événements suivants n'intervient pas :
 
– la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux, valeurs, titres ou droits pour le sursis de paiement afférent aux plus-values latentes ou aux plus-values placées en report d’imposition;
– les donations pour les plus-values latentes et plus-values placées en report d’imposition;
– le décès du contribuable pour les plus-values placées en report d’imposition ;
– la perception du complément de prix, l’apport ou la cession de la créance pour les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix.
 
Si aucun de ces événements n'intervient, le contribuable est libéré de ses obligations à l'expiration du délais de 8 années.
 
En outre, si le contribuable revient en France et a conservé ses titres, il est replacé dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il se trouverait s’il n’était jamais parti (restitution de l’impôt éventuellement acquitté).
 
En cas de paiement d'un impôt à l'étranger sur la plus-value réalisée, le montant de cet impôt est imputé sur l'impôt français, à proportion de l'assiette d'imposition déterminée et dans la limite de l'impôt français.
 
A l'heure actuelle la question de la conformité de l'Exit tax avec les conventions internationales et les principes de liberté de circulation des personnes et des capitaux est débattue. Néanmoins, la CJUE a déjà reconnu la conformité de tels régimes lorsqu'ils sont jugés proportionné à l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale. Enfin, le Conseil Constitutionnel a jugé le texte conforme au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.  Reste qu'à l'heure actuelle et en l'absence du décret d'application prévu à l'article 167 bis du CGI pour l'application du dispositif, il est impossible d'entamer les procédures de déclaration au moment du départ de France des contribuables concernés. Il faudra certainement régulariser la situation de ces contribuables par le biais des déclarations annuelle de revenus en qualité de non-résident. Un suivi de la situation des intéressés reste donc recommandé.
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