Vers un nouvel encadrement juridique du détachement

Des initiatives ont été prises au niveau national et au niveau européen pour adopter une législation plus contraignante.

Actuellement, le détachement des travailleurs au sein de l’Union européenne est régi par la directive européenne n°96/71/CE du 16 décembre 1996 sur le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

Cette directive impose le repect du « noyau dur » du droit du travail du pays d’accueil (règles relatives à la durée du travail, congès payés, respect du salaire minimal*, prise en compte des dispositions salariales d’origine conventionnelles**).

Cependant, la directive souffre d’un manque d’effectivité. En effet, les contrôles effectués par les autorités nationales sont insuffisants pour assurer le respect de la directive.  La fraude au détachement est dénoncée :défaut de déclaration de détachement, défaut de certificat d’affiliation au régime de Sécurité sociale, non-paiement des salaires et des heures supplémentaires, dépassement de la durée légale du travail, abus de vulnérabilité, conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine, etc.

Aussi (à l’approche des élections européennes), des initiatives ont été prises, au niveau national et au niveau européen pour adopter une législation plus contraignante.

  • Au niveau européen:
  • Le calendrier:

Le 27 février 2014, les députés européens, le Conseil et la Commission européenne ont voté un accord temporaire sur la révision de la directive sur les travailleurs détachés.

Cet accord a été approuvé le 5 mars par le Comité des représentants permanents (Coreper) et le 18 mars par les députés européens de la commission Emploi et affaires sociales. Enfin, il sera voter en Assemblée plénière au mois d’avril.

  • Date d’application estimée après adoption:

 Si elle est adoptée, la directive s’appliquera en 2016.

  • Le contenu:

 L’accord prévoit plusieurs mécanismes:

–        les Etats membres peuvent imposer des exigences administratives et des mesures de contrôle nationales si elles sont justifiées et proportionnées pour assurer le respect effectif des obligations énoncées dans la directive et la directive 97/71/CE

–        dans le secteur de la construction, les Etats doivent prendre des mesures pour que le contractant dont l’employeur est un sous-traitant direct puisse être tenu responsable par le travailleur détaché pour ce qui concerne le respect de ses droits concernant la rémunération nette impayée (mécanisme de responsabilité solidaire) ou prendre d’autres mesures d’exécutions appropriées pour sanctionner de manière effective et proportionnée le contractant.

–        les Etats membres peuvent prendre en considération les éléments permettant d’examiner si une personne répond à la définition de travailleur, ainsi que pour identifier les travailleurs frauduleusement déclarés comme indépendants.

Ainsi, pour vérifier qu’une entreprise fournit réellement des services à l’étranger, les autorités nationales pourront vérifier le lieu ou cette entreprise est enregistrée, ou elle paie ses impôts et ses contributions sociales, ou elle recrute ses travailleurs détachés, ou se déroulement ses activités, et le nombre de contrats qu’elle exécute pour fournir des services

–        un meilleur accès à de l’information relative aux conditions de travail et d’emploi et aux conventions collectives applicables aux travailleurs détachés : site web national unique ou d’autres moyens appropriés

–        délais précis pour la transmission des informations (assistance mutuelle)

–        principes d’assistance et reconnaissance mutuelle pour l’exécution des amendes et sanctions administratives infligées à un prestataire de services établi dans un Etat membre en cas de non-respect des règles applicables en matière de détachement des travailleurs dans un autre Etat membre

  • Au niveau français:
  • Le calendrier:

Le 25 février 2014, une proposition de loi « visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale » a été adoptée par l’Assemblée Nationale. Le Sénat doit voter au mois de mai 2014.

  • Date d’application estimée après vote:

Si il est adopté ce texte s’appliquera immédiatement.

Ce texte vient d’une certaine façon transposer de manière anticipée la future directive qui doit encore être votée en assemblée plénière.

  • Le contenu:

Le texte prévoit plusieurs dispositifs:

-extension de l’obligation de vigilance de l’entreprise, traitant avec un prestataire de services établi hors de France, à la vérification du dépôt de la déclaration de détachement auprès des services de l’inspection du travail

-responsabilité solidaire du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage pour le paiement des salaires des employés des sous-traitants, y compris lorsqu’ils n’ont pas de relation directe avec ces sous-traitants

-extension du devoir d’injonction du maître d’ouvrage privé au cas d’irrégularité de l’entreprise avec laquelle il a contracté

-ajout dans la liste des documents que les agents de contrôle habilités à lutter contre le travail illégal peuvent se faire présenter les documents relatifs aux prestataires de services établis à l’étranger intervenant en France pour y réaliser une prestation à l’aide de travailleurs détachés

-responsabilité pénale du maître de l’ouvrage public ou privé ou du donneur d’ordre professionnel lorsqu’ils poursuivent en connaissance de cause pendant plus d’un moins l’exécution d’un contrat passé avec une entreprise en situation irrégulière au regard de ses obligations sociales

-possibilité pour le juge d’inscrire sur une « liste noire », au titre de peine complémentaire, les entreprises et les prestataires de services condamnés à au moins 450000 euros d’amende pour des infractions constitutives de travail illégal

-possibilité pour les associations, les syndicats professionnels et les syndicats de salariés de branche de se constituer partie civile en cas de travail illégal de nature à fausser la concurrence

-conditionner la signature des marchés à la production de l’attestation d’assurance décennale obligatoire afin de lutter contre la concurrence déloyale entre les entreprises dûment assurées et les entreprises qui ont fait l’impasse sur cette attestation

NB :

(*) La directive 96/71/CE n’impose pas aux Etats membres de fixer un salaire minimal si leur législation n’en prévoit pas.

(**) Cette prise en compte est subordonnée dans le secteur de la construction à la condition que les conventions soient déclarées d’application générale, et pour les autres secteurs, que les Etats aient de surcroît fait le choix de les ajouter aux sources du noyau dur.

Sources :

-Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale n°1686, déposée le 8 janvier 2014 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1686.asp

-Accord du Parlement européen: http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20140228IPR37338/html/Accord-sur-le-d%C3%A9tachement-des-travailleurs

-Accord du Comité des représentants permanents : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/lsa/141363.pdf

-Vote de la commission de l’emploi et des affaires sociales : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20140317IPR39105/html/D%C3%A9tachement-des-travailleurs-adoption-en-commission-de-l%E2%80%99emploi

-Suivi de la procédure législative européenne: http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2012/0061%28COD%29#keyEvents

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