Les juridictions nationales peuvent écarter l’application du certificat E101/A1 en cas de fraude

Les règlements européens n°883/2004 et n°987/2009 (anciennement règlements n°1408/71 et n°574/72) permettent au travailleur détaché dans un autre Etat de l’UE de rester affilié au système de sécurité sociale de l’Etat membre où est établie la société qui l’emploie et d’obtenir un certificat E101/A1 émis par l’institution de sécurité sociale à laquelle est rattaché le travailleur.

Dans un arrêt du 27 avril 2017, C-620/15, A-Rosa Flussschiff, la CJUE interrogée par la Cour de cassation française sur la portée d’un tel certificat rappelle que tant qu’il n’est pas retiré ou invalidé par l’institution émettrice il doit être pris en compte dans l’état d’accueil du travailleur. Si celui-ci entend contester sa validité il doit d’abord formuler une demande en réexamen à l’institution émettrice.

L’arrêt du 6 février 2018, C-359/16, vient ouvrir une nouvelle possibilité d’opposition aux certificats : en cas de fraude avérée dans leur obtention, l’état d’accueil des travailleurs peut en écarter l’application et engager la responsabilité des personnes à l’origine de la demande.

En l’espèce une société belge sous-traitait ses chantiers à une société bulgare qui détachait des travailleurs en Belgique. Chaque travailleur disposait de son certificat.
Dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre la société belge, une enquête judiciaire a été menée en Bulgarie. Il est apparu que la société bulgare n’exerçait dans son pays « aucune activité substantielle » et que les faits présentés pour l’obtention des certificats ne correspondaient pas à la réalité.

Saisie d’une demande en réexamen, l’institution bulgare de sécurité sociale s’est contentée de valider les certificats sans tenir compte des éléments révélés lors de l’enquête. Les autorités belges ont alors engagé des poursuites.
La Cour de cassation belge saisie du litige a sursis à statuer et a posé une question préjudicielle à la CJUE sur le point de savoir si un certificat E101/A1 pouvait être annulé ou écarté si des faits permettaient de constater que le certificat avait été obtenu avec fraude.

Dans sa décision la Cour répond par la positive et précise que la fraude doit être caractérisée par deux éléments :

. Un élément objectif consistant à vérifier si les conditions requises pour l’obtention d’un E101/A1 étaient ou non remplies au moment de la demande.

. Un élément subjectif consistant à démontrer l’intention frauduleuse des personnes à l’origine de la demande.

En l’espèce la fraude était bien caractérisée et les institutions belges ont pu écarter l’application des certificats de détachement bulgares, qui permettaient l’exonération des charges sociales belges.

Cette décision permet alors au pays d’accueil des salariés de redresser la société étrangère sur les cotisations non versées en application du certificat A1/E101, sous réserve de démontrer la fraude. Le redressement s’opèrera suivant la législation de chaque pays.

Lien vers l’arrêt :
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=199097&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=580257

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