Les risques du changement de statut de sécurité sociale sur la retraite du salarié

Cass. Soc., 26 juin 2013, n°12-19.745 (REJET)

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation précise les modalités attenantes au changement du statut, en matière de sécurité sociale, des salariés détachés en salariés expatriés.

En l’espèce, une société décide en 1988, que ses salariés travaillant à l’étranger ne soient plus en position de détachement, mais bien soumis au statut de l’expatriation. De fait, elle s’engage par convention collective à mettre en œuvre une couverture sociale « équivalente voire supérieure à celles du régime général français ». Vingt et un ans plus tard, en 2009, ces salariés devenus jeunes retraités, saisissent la juridiction prud’homale d’une action en dommages-intérêts à l’encontre de ladite société.

Les juges du fond font droit à leur demande. La société se pourvoit alors en cassation.

Les demandeurs à l’action fondent leur demande indemnitaire sur le préjudice résultant de la perception de droits à la retraite inférieurs à ceux des salariés non-expatriés de leur entreprise.

La demanderesse au pourvoi se fonde sur un moyen en trois branches. D’une part elle soutient que le maintien de garanties « équivalentes » ne signifie pas la garantie d’avantages « strictement identiques ». D’autre part, elle considère avoir rempli ses obligations convenues dans les avenants aux contrats de travail des salariés expatriés et relatives à leur inscription à la Caisse de retraite des expatriés. Enfin, compte tenu du fait que les cotisations moins élevées des salariés expatriés leur avaient permis l’octroi de rémunération plus élevées que leurs collègues non-expatriés, elle juge que l’équivalence était respectée.

Se pose alors la question de savoir si une société doit, en modifiant le statut de ses salariés auprès de la sécurité sociale, leur garantir des prestations sociales équivalentes.

La Cour de Cassation considère que oui. Le changement du statut des travailleurs détachés en travailleurs expatriés au cours de leur mission doit s’entourer de garanties tenant notamment à l’équivalence des prestations sociales entre ces deux statuts. C’est à la société de veiller à l’effectivité de ces garanties qui doivent à termes, permettre aux salariés ayant effectués des périodes d’expatriation, de bénéficier de prestations sociales d’un montant au moins égal à celles perçues par les salariés non-expatriés ayant travaillé dans les mêmes conditions de période et durée, et ce, au moment de la liquidation de leurs droits à retraite. De fait, elle confirme l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi.

Dans un cadre plus large, cette décision permet à la Cour de préciser sa jurisprudence relative à l’indemnisation des salariés nouvellement retraités, ne pouvant prétendre au versement d’une pension de retraite complète du fait de l’exercice de leur activité en tant qu’expatrié.

Du point de vue de la prescription tout d’abord, un arrêt de la chambre sociale en date du 19 juin 2013 (Cass. Soc., 19 juin 2013, n°12-13.684 (CASSATION PARTIELLE)), avait précédemment reconnu que le préjudice né de la perte des droits correspondant à des cotisations non versées ne devient certain qu’au moment où le salarié se trouve en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension. Dès lors, la prescription court sur deux ans à partir de cet instant, et le moyen tiré de l’extinction de l’action du fait de l’écoulement de la prescription est inopérant.

En outre, du point de vue du fondement de l’action intentée par le salarié contre son ancien employeur, une décision du même jour (Cass. Soc., 19 juin 2013, n°12-17.980 (CASSATION)), avait reconnu la recevabilité de l’action sur la base de l’obligation d’information et de bonne foi à laquelle est astreint l’employeur : il doit informer son salarié expatrié, et ce avant même son départ, de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de sa mission à l’étranger.

Ainsi située dans son cadre jurisprudentiel, la décision précédemment analysée prend son sens : l’action en dommages-intérêts du salarié retraité, ayant réalisé des missions d’expatriation durant sa carrière, et bénéficiant, du fait de son statut d’expatrié (et non pas de salarié détaché), de prestations sociales relatives à la retraite moindres que celles perçues par les salariés non-expatriés ayant travaillé dans les mêmes conditions, périodes et durées, être recevable durant les deux ans suivant sa mise à la retraite et la liquidation de ses droits à pension, tout aussi bien sur le fondement de la violation par l’employeur d’une obligation d’information quant à sa situation au regard de la protection sociale, que sur celui d’une violation d’une obligation conventionnelle (inhérentes au contrat de travail) de maintien de garanties.

Source :

http://legimobile.fr/fr/jp/j/c/civ/soc/2013/6/26/12-19745/

FacebooktwitterlinkedinFacebooktwitterlinkedin
Content Protected Using Blog Protector By: PcDrome.