Rappel : l’obligation contractuelle de sécurité de l’employeur

Cass. Soc., 7 décembre 2011, Sanofi Pasteur c. Peyret, n°10-22.875 (REJET)

 

Petit retour cet important arrêt de rejet de la chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 7 décembre 2011 (Cass. Soc., 7 décembre 2011, Sanofi Pasteur c. Peyret, n°10-22.875 (REJET)), qui vient affirmer avec force la réalité d’une obligation de sécurité détenue par les employeurs envers ses salariés expatriés.

En l’espèce, une employée expatriée en Côte d’Ivoire est victime d’une agression en dehors de son temps et lieu de travail.

Elle agit contre la société en vue de faire reconnaitre la faute inexcusable de son employeur dans le cadre de la législation des accidents du travail. Sa demande est déclarée irrecevable du fait de son statut d’expatrié qui ne lui permet pas de prétendre à un tel régime juridique. Plus tard, le médecin du travail l’ayant déclaré inapte et la société l’ayant licencié, elle saisit le Conseil de prud’hommes d’une action en dommages-intérêts afin d’obtenir réparation de son préjudice. Le tribunal de première instance ainsi que la Cour d’appel font droit à sa demande. La défenderesse se pourvoit en cassation.

La demandeuse au pourvoi fait valoir que l’action menée par la requérante devant la juridiction prud’homale relevait de la compétence des seules juridictions du contentieux général de sécurité sociale et n’aurait pas dû être jugée recevable. En outre, concernant l’obligation de sécurité due aux salariés, la demandeuse fait valoir que l’employeur n’est pas tenu d’assurer la sécurité de ceux-ci à chaque instant de leur vie privée mais seulement dans le cadre des activités ayant un lien direct avec l’exécution de leur contrat de travail. Par ailleurs, elle considère qu’à supposer qu’une telle obligation existe, elle ne serait qu’une obligation de moyen et non pas de résultat. Enfin, elle cherche à s’exonérer de sa responsabilité en invoquant la force majeure.

La question se pose alors de savoir si oui ou non, l’employeur d’un salarié expatrié est débiteur d’une obligation de sécurité envers lui et, si oui, d’en délimiter l’étendue ainsi que de déterminer le type d’obligation dont il s’agit : obligation de moyen ou de résultat.

La Cour de cassation se fonde sur le principe de l’estoppel pour dénoncer la déloyauté procédurale de la demandeuse au pourvoi qui, au cours de l’instance devant les juridictions de sécurité sociale avait fait valoir leur incompétence du fait de l’impossibilité d’appliquer le régime spécial des accidents du travail pour les salariés expatriés et qui, devant la juridiction prud’homale, soutient les effets de cette législation sur l’affaire et la compétence exclusive de ces juridictions. Elle reconnait ensuite le bien-fondé de l’action en ce qu’un salarié dont l’affection n’est pas prise en charge par la législation sur les accidents du travail ou maladies professionnelles, dispose d’une voie de recours contre son employeur sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle. Enfin, elle constate l’inaction et l’absence de réaction proportionné de l’employeur face aux informations alarmantes sur l’accroissement du danger pour les ressortissants français à Abidjan que lui avait fourni l’employé et sa demande expresse de rapatriement et retour sécurisé en France, la demandeuse au pourvoi n’ayant en effet pris aucune mesure de protection pour prévenir le dommage prévisible. De fait, elle confirme la décision de la Cour d’appel qui avait déduit que la société avait manqué à ses obligations contractuelles de sécurité et ce, sans possibilité de s’en exonérer en invoquant une faute de l’employée caractéristique de la force majeure. Par conséquent, elle rejette le pourvoi.

Ainsi, par cette décision, la Cour de cassation reconnait les employeurs de salariés expatriés, débiteurs d’une obligation contractuelle de sécurité envers ses employés. Cette obligation est générale en ce qu’elle doit être respectée en tout temps et en tout lieu, même en dehors du temps et du lieu de travail. Elle justifie cette large étendue de l’obligation par le fait que l’employé expatrié, où qu’il se trouve dans son pays d’expatriation et en quelque temps que ce soit, s’y trouve du fait de la société qui l’y a envoyé en mission. Enfin, cette obligation n’est pas seulement une obligation de moyens mais bien une obligation de résultat : la société doit non seulement mettre tous les moyens en œuvre pour garantir la sécurité de ses salariés mais également que ces moyens soient effectifs.

Source :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024947630

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